Pourquoi j’ai arrêté de croire aux crypto-monnaies ?
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BinomianDate Published
J’ai découvert le bitcoin en 2013, j’étais alors au collège. Je me rappelle d’un reportage à la TV sur cette crypto-monnaie dont la valeur avait dépassé les 1000 dollars. 11 ans plus tard, le bitcoin est à plus de 60.000 dollars. J’ai eu le temps de travailler plusieurs années dans cette industrie et arrive mon heure d’en tirer des conclusions.
Tout d’abord, explicitons un peu les termes. Dans cette communauté, on parle de “croire aux crypto-monnaies”, croire à leur utilisation future, à leur intérêt, aux valeurs qu’elles portent.
Quelles valeurs portent les crypto-monnaies ?
Bon, si vous vous intéressez pas mal au sujet, je ne vais rien vous apprendre en vous disant que l’idée initiale du créateur du bitcoin (Satoshi Nakamoto) était de s’affranchir du système financier actuel. Bitcoin a été développé et est sorti quelques mois après la crise des subprimes (une des crises les plus violentes que nous avons connu depuis le krach de 1929). Une crise financière où les grandes banques d’investissement ont décidé de jouer avec l’argent de leurs clients, de prendre des risques considérables pour s’enrichir davantage. Une crise en cascade où les perdants ont été le contribuable étasunien et tous les autres contribuables du monde.
Satoshi Nakamoto était un libertarien convaincu. Il ne voulait plus de cela et souhaitait que chaque personne possède son propre argent sans intermédiaire. Il voulait que Alice puisse payer Bob sans passer par Bank of America. Il voulait créer l’argent liquide numérique, un moyen d’avoir des sommes conséquentes d’argent de manière extrêmement sécurisé et en le possédant réellement.
Dès lors, quelques années après le lancement du bitcoin, lorsque sa valeur commençait à devenir quelque chose de concret et son intérêt grandissant, je commençais à me demander si ce rêve - d’une monnaie libre - deviendrait un jour réalité.
Pourquoi j’ai arrêté de croire aux crypto-monnaies ?
Alors que l'on estime qu’à ce jour, dans le monde, plus de 550M de personnes possèdent des cryptos et que de nombreux acteurs institutionnels se sont mis à en acheter massivement, les cryptos ne sont plus le rêve dont j'espérais.
Le Bitcoin devient, malgré le rêve originel de Satoshi, le cheval de trois pour des crypto-monnaies qui pourraient être un réel danger pour nos démocraties. Les CBDC.
Les CBDCs, ce sont les cryptomonnaies de banques centrales. C’est à dire, que contrairement à Bitcoin, les CBDCs sont des cryptos dont le réseau (la blockchain) et le fonctionnement sont déterminés par des banques centrales (comme la FED ou la BCE en Europe). Ce sont des crypto-monnaies d’Etat”.
L’idée en soit ne parait pas mauvaise, dans le sens où elle permettrait de fluidifier énormément de transactions et de mettre en place des politiques monétaires et économiques très rapidement et de s’adapter en conséquent. Ce sont les idées vantées par les études / projets en la matière. Cela serait aussi une bonne manière d’améliorer le contrôle et de lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment d’argent. Sur le papier, cela paraît donc vraiment très cool.
Mais réfléchissons un peu. De telles mesures (où chaque personne posséderait un porte monnaie numérique dans lequel il a ses cryptos) permettra une centralisation sur UNE blockchain, de l’intégralité de vos transactions et de vos fonds. Cela reviendrait donc à donner à nos décideurs politiques (ou toute personne ayant accès à cette blockchain), l’intégralité de nos finances. Il faudra donc avoir confiance en cette blockchain, espérer qu’à aucun moment nos cryptos ne soient gelées ou notre compte suspendu.
C’est tout le paradoxe de la blockchain et des crypto monnaies: alors que l’idéologie même du système est la décentralisation et une capacité à pouvoir effectuer des échanges sans avoir à confier en un tier, les CBDC se révèlent être la centralisation de nos transactions et la crainte que nos avoirs ne soient un jour bloqués sur cette blockchain. Rien que de savoir que la Chine développe son Yuan numérique (expérimentant même le concept d'une monnaie fondante), cela devrait être un redflag sur les dangers de ces CBDCs.
Adopter les CBDCs, c’est aussi faciliter la fin de la monnaie de papier, du liquide. Alors que notre utilisation du cash diminue de plus en plus, pouvoir faire des transactions directement sur la blockchain remplacera nos billets. En effet, la carte bancaire s’impose de plus en plus, mais les CBDCs se présenteront comme l’unique manière d’échanger des billets, et encouragés très certainement par des politiques nationales, permettront d’effectuer des transactions aussi rapidement qu’avec votre Visa, directement à partir de votre compte bancaire et avec des frais très faibles pour les commerçants. Sa simplicité dans son fonctionnement (à l’heure où les transactions par carte bancaire fonctionnent avec un mécanisme très complexe), les transactions en crypto sont techniquement beaucoup plus simples à réaliser.
Le Bitcoin ne peut pas remplacer les FIATs
Je voyais les crypto-monnaies comme un moyen de s’affranchir du dollar, de l’euro ou du yen. Une voie pour s’émanciper d’une monnaie imprimée par une banque centrale dont les politiques pouvaient parfois paraître obscures ou injustes (le sauvetage très avantageux des banques en 2008, la politique de quantitative easing qui a démontré une nouvelle fois en quoi le “ruissellement” c’est de la foutaise..).
Je voyais aussi les cryptos comme une “machine à paix” : en effet, depuis la nuit des temps les monnaies ne fonctionnent que parce que celui qui l’émet est en capacité de l’imposer par la violence. Utiliser le dollar vous oblige à répondre à un certain nombre de critères, dans le cas contraire vous serez dans l’illégalité (mon ami Iranien a tout le temps des emmerdes, il a eu énormément de problèmes pour payer ses études - pour la seule raison que sa nationalité ne l’autorise pas à posséder des dollars).
Une monnaie imposée est une soumission. Lorsque de nouveaux euros ou dollars sont imprimés, lorsque la FED prend une nouvelle décision, ce sont tous les Etats et toutes les personnes qui possèdent la monnaie qui subissent ce choix. Une crypto-monnaie inflationniste comme le bitcoin se régulera seule et ne sera pas à la merci de décisions humaines (autres que celles de ceux qui les possèdent - qui agissent toujours dans le but de conserver ou d’augmenter sa valeur).
Le problème (qui n’en est en réalité pas un) est donc là : jamais les Etats laisseront les cryptomonnaies avoir trop d'importance, ou remplacer leur FIAT. Cela est en fin de compte très bien.
J’ai fini par comprendre que l’Etat a toute sa légitimité à frapper la monnaie et à la réguler. Malgré les nombreuses injustices qui transparaissent, il est de son devoir de se financer, de choisir les politiques monétaires et économiques à appliquer pour les citoyens. Sans la maîtrise de la monnaie, il ne lui sera pas possible d’assurer coûte que coûte son financement. Un Etat puissant est impossible sans la maîtrise de la monnaie.
Pour résumer
Jamais le bitcoin ne remplacera nos monnaies classiques mais il a ouvert la porte aux CBDC : des monnaies qui permettront à l’Etat de nous tracer encore plus. La plupart des projets crypto actuels ne sont que spéculation (comme le rappelle Vitalik Buterin) et beaucoup de projets cherchent à mettre de la blockchain dans des choses qui n'en ont pas besoin. Comme disent certains : “ La blockchain est la solution à un problème qui n’existe pas “