Choisir entre ses valeurs et ses investissements
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BinomianDate Published
Lorsque j’ai commencé à travailler et à gagner de l’argent, un problème s’est posé à moi. Un problème de riche : que faire de cet argent épargné ? Comment en faire quelque chose sans renier mes valeurs ? Je pense que c’est une problématique présente chez des jeunes travailleurs et particulièrement les cadres qui ont une plus grosse capacité d'épargne.
Nous avons tous un rapport à l’argent différent. Certains le fuient, certains le voient comme un moyen et d’autres comme une finalité. J’ai eu la chance de faire partie d’une famille de la classe moyenne française, sans problèmes financiers, sans être riche pour autant. Une famille de gauche, où l’argent n’était pas un tabou mais qui n’était pas non plus quelque chose dont on parlait souvent de manière positive. Mon éducation financière s’est également limitée à ce que j’ai vu chez moi : épargner, investir dans la pierre mais aussi savoir investir en soi, partager et voyager.
En démarrant ma carrière avec un salaire d’ingénieur relativement élevé (comparativement à la moyenne française), je me suis retrouvé avec une capacité d’épargne assez importante malgré les plaisirs que je pouvais m’octroyer. Je me suis alors plus sérieusement intéressé aux possibilités d’investissement que j’avais, mais aussi à leur impact.
Pourquoi ne peut-on pas se limiter à épargner ?
Dans notre société capitaliste, avec son modèle économique, investir est presque une obligation si l’on ne souhaite pas perdre le fruit de notre travail. L’inflation nous y oblige. Les prix augmentent : garder son argent en banque revient à le perdre.
Inflation en zone euro entre 1998 et 2022 (Eurostat)
L'inflation sur un an est de 1.9% en août 2024 selon l'INSEE. Cela signifie (en reprenant les données du graphique ci-dessus) que pour pouvoir acheter aujourd'hui ce que vous pouviez acheter avec 1000 € en 2019, vous devrez débourser 1159€, soit 159€ de plus. Concrètement, garder son argent sur un compte courant ou un livret A n’est donc pas une solution envisageable sur le long terme (sauf si l’on veut perdre de l’argent - ce qui est du temps de vie que l’on a investi pour ceux qui vivent du salariat). Il faut donc placer ces économies pour éviter de les voir fondre.
Dès lors, lorsque l'on prospecte et analyse les différents supports d'investissement, on tombe sur globalement 3 grosses solutions : l'investissement en bourse, dans l'immobilier ou dans les assurances vie/obligations d'Etat.
Peut-on être de gauche et investir en bourse dans le CAC 40 ou le S&P ?
Si vous faites partie du côté obscur de la force et que vous n’avez pas de problèmes avec tous types d’investissement (industries minières, pétrolières, armement, X, tabac..) ou des boîtes qui sont régulièrement sujettes à controverse pour leurs conditions de travail, leur lobbying malsain ou leur obsession pour - l’hyper - profit alors il est clair que vous avez un large choix de supports d’investissement rentables et relativement sûrs, sur le long terme.
Dès lors, le problème est surtout lorsqu'on a une conscience sociale et écologique développée (je m’adresse là aux Jedis, le côté lumineux). On se trouve face à deux choix : décider d’investir dans des supports très peu rentables qui nous évitent de limiter l’impact de l’inflation sur notre épargne (type assurance vie avec bonds du trésor, obligations, etc..) OU investir dans des fonds d’investissement ou autres supports contribuant à détruire davantage la planète et avec un impact social négatif.
C’est là que la dissonance cognitive intervient chez bon nombre d’ingénieurs. On essaye de s’auto-convaincre, se voiler la face, en se disant que l’on ne contribue pas directement à l’entreprise ou que de toute façon il est impossible de * changer le système *. De la même manière que certains vont commencer à bosser dans une industrie désastreuse en espérant “la changer de l’intérieur” pour finalement y rester toute leur carrière, confortés par un bon salaire et des avantages (corrompus par des tickets resto..).
Certains connaisseurs vont me dire que le bon compromis existe : l’investissement sur des supports type ESG. Ce sont des fonds d’investissement inscrits dans une démarche “sociale / écolo”. Cette appellation est en réalité totalement trompeuse, n’importe qui a le droit de s’octroyer le label ESG en s’engageant sur certains points très généraux (le journal Mediapart a écrit une super enquête sur l'arnaque des fonds "verts"). Total est présent dans des fonds ESG..je pense qu’il n’y a rien à rajouter de plus !
Investir dans la pierre pour mettre tout le monde d’accord ?
L’investissement immobilier (bien que moins rentable sur le long terme que la bourse) est l’investissement préféré des Français. Même si énormément de facteurs entrent en compte pour calculer sa rentabilité (localisation, état du bien, montant du taux que vous aurez en banque, prix…), il offre en moyenne un rendement de 5.9% par an. Cela semble donc être une bonne alternative.
Un problème qui peut se présenter, ça serait de posséder trop de biens immobiliers. En France, 24% des ménages possèdent 68% des biens immobiliers selon l'INSEE. Cette dissymétrie provoque une augmentation des prix, et l’on sait également que le secteur de la location / vente est très tendu dans un certain nombre de villes : acheter 5 appartements ne va-t-il pas priver un couple de jeunes travailleurs d’acheter leur appart ?
Les autres supports d’investissement
L’OR, les crypto-monnaies, le crowdfunding. D’autres supports moins rentables ou sujets à controverses peuvent également être intéressants. Je m'y suis intéressé mais ils ne peuvent pas être le cœur de l'investissement.
En résumé
A titre personnel, j’ai fait le choix d’investir dans l’immobilier. Acheter mon appartement m’a permis de bénéficier de l’effet levier du crédit immobilier et de ne pas payer un propriétaire chaque mois. Cela a été aussi une bonne solution pour éviter d’entrer en bourse. Cela n'est certainement pas le plus rentable, mais la satisfaction d'avoir un chez-moi m'est chère. En parallèle, j’ai investi dans des crypto-monnaies (dont je crois de moins en moins, petit article ici) et des obligations d’état.